Dernièrement, j’ai échangé avec une amie en détresse et j’en suis venue à me souvenir d’une histoire que j’avais enfouie très profondément dans ma mémoire. Cet instant de vie pourrait très bien être associé avec l’article sur La peur irrationnelle.
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Vingt ans, étudiante en langues étrangères, je proposais quelques cours pour me faire un peu d’argent. Un peu délaissée par ma famille, je n’avais guère le choix que de travailler pour mettre un peu de beurre dans les épinards (expression idiote parce que le beurre dans les épinards, c’est plutôt beurk !).
Plutôt naïve et bienveillante, j’ai répondu au message suivant : “Bonjour mademoiselle, je recherche une personne qualifiée pour me donner des cours de remise à niveau en informatique. je cherche du travail, mais je ne sais pas comment rédiger une lettre de motivation ou un CV. “
Globalement, je savais manipuler le logiciel word et même si je n’étais pas experte en gestion du traitement de texte, je pensais pouvoir aider cet homme. J’ai donc pris rendez-vous un après midi. J’en ai vaguement parlé à mon ex-copain qui me rendait visite ponctuellement, et je suis partie. Il faisait très beau ce jour là, nous devions être au printemps. J’ai le souvenir d’une journée très lumineuse, d’herbe verdoyante et de papillons qui voletaient dans les jardins. Je ne me souviens absolument pas comment j’étais habillée, mais j’imagine que j’avais mis mon jeans de circonstance.
Cet homme dont je ne me souviens pas du patronyme habitait dans un immeuble dans l’agglomération. Je m’y suis rendue en voiture plus ou moins pressée de donner mon cours. J’ai toujours adoré transmettre des savoirs ou tout simplement donner un coup de pouce. Après avoir gravi les quelques marches de l’escalier, je me retrouvais face à une porte entre-ouverte de couleur jaunâtre ornée d’une grande fleur dessinée au marqueur noir. Amusant, ai-je pensé, toujours confiante. J’ai appelé, une voix masculine m’a répondu de loin que je pouvais entrer. Un peu anxieuse et hésitante, je suis tout de même engagée dans le corridor refermant la porte derrière moi. Maintenant, il fallait traverser un couloir sombre qui me semblait interminable pour accéder à une pièce plongée dans la pénombre. Je n’ai pas fait demi-tour, j’ai avancé. L’unique pièce de vie était petite, un vrai capharnaüm. Remplie par un canapé couvert de vêtements, une petite table basse, un vaisselier moderne et une table, la pièce initialement grande semblait ridiculement petite.
La table était ronde entourée de quelques chaises et recouverte d’une vielle nappe. A gauche trônait un vieil ordinateur visiblement hors d’usage ou débranché. À ce moment, j’ai eu un premier doute sur la finalité du rendez-vous. Puis la voix m’a demandée si je souhaitais boire un verre, j’ai répondu que je préférai un café. Quelques minutes se sont écoulées, et j’ai vue une silhouette longiligne apparaître dans la pénombre du couloir. Mon élève s’est révélé être un homme d’une trentaine d’années. Habillé somme toute d’une mini jupe, ne cachant rien de sa virilité une fois assis, et d’un haut tout à fait ajusté à son torse, maquillé, chaussé de mules. En s’installant, il m’a demandé si sa tenue ne me gênait pas. J’ai répondu que non, chacun se vétissait comme il lui plaisait. Je répondais avec assurance, mon téléphone à la main, consciente qu’il ne m’était d’aucune utilité car j’avais perdu l’adresse de mon hôte.
Puis, l’angoisse m’a gagnée en quelques secondes, des images atroces m’ont traversée l’esprit. J’ai oublié la précision de nos paroles. J’ai longuement fixé ma tasse de café noir. Puis, je l’ai bu en pensant qu’il avait pu y glisser quelques drogues. Mais, j’ai gardé une constance dont je ne me serais jamais sentie capable. J’ai affronté ce moment en me liquéfiant petit à petit à cette table. Au bout de quelques minutes, j’ai expliqué que je ne pourrais finalement pas donner le cours. J’avais pris conscience que je n’avais pas les compétences requises. Mon hôte m’a souri et d’un regard entendu, il a accepté mon refus avec politesse. Quelques minutes plus tard, je quittais l’appartement le coeur battant, arpentant sans me retourner ce couloir qui me semblait infini. Consciente que j’avais eu la chance incroyable que cet homme soit bienveillant et probablement dans un fantasme d’exhibition et de travestissement.
En rentrant chez moi, j’ai croisé mon ex-compagnon. Je lui ai expliqué cette histoire. Il a semblé effrayé, m’expliquant la signification de la fleur dessinée sur la porte: une simple pensée. Il m’a fait promettre de le prévenir la prochaine fois que je me rendrais à un cours particulier. J’ai été beaucoup plus prudente les fois d’après, tout en n’ayant aucune rancoeur pour cet homme. Ne me demandez pas pourquoi, je n’en n’ai aucune idée.
et que veux-dire cette fleur ?
Bonsoir,
Il semblerait que ce soit une pensée, pour “une pensée pour maman” dont l’origine serait le milieu carcéral. Clairement, je ne peux vraiment pas l’affirmer.
a bientot