Peur irrationnelle.

Je me suis fréquemment demandée pourquoi je me sentais agressée quand un homme inconnu me parle dans la rue. Il n’y a pas de raison particulière à première vue. Je suis assez sociable autant virtuellement que de visu, les hommes ne m’inquiètent pas plus que ça. 

Voici la situation de départ de ma réflexion:

20 h, je sors d’un centre commercial en pleine nuit, nous sommes en novembre. Je suis épuisée de ma journée et j’attends patiemment que le feu passe au vert pour les piétons. Mon voisin de trottoir m’interpelle alors que je peux traverser la route. A l’évidence, je suis plongée dans mes pensées, noyée par la fatigue, je ne bouge pas.

  • «allez y madame, le feu est au vert.
  • Ah merci 🙂
  • La journée a dû être épuisante.
  • Oui, effectivement.»

Après cet échange de paroles, j’ai plus ou moins paniqué. Mon interlocuteur souhaitait visiblement poursuivre la discussion, moi pas du tout, et je m’apprêtais à traverser le parking sans éclairage. L’espace de 5 longue minutes j’ai eu franchement peur pour mon sac, ma vie …

Quelques jours plus tard je me suis demandée pourquoi j’avais réagi aussi violemment. Ce soir j’ai quelques éléments de réponses:

Mon vécu:

J’ai peur du noir en général, c’est à dire que je prends franchement sur moi quand je dois aller chercher un objet dans ma voiture alors que la nuit est tombée. (on ne se moque pas). Je maudis mes enfants quand mon mari n’est pas là pour traverser l’entrée dans le noir.

Adolescente, j’ai été suivie par un homme à plusieurs entre mon domicile et le conservatoire de musique que je fréquentais toutes les semaines. J’avoue que j’ai eu un peu peur. Mes parents l’ont su à l’occasion d’une rédaction sur la peur que j’ai rédigé pour un devoir scolaire. Oui, nous parlions peu chez moi.

Une autre fois, j’ai été prise à partie par un groupe d’adolescents en sortant du cinéma. Pour me protéger, je suis entrée dans une cabine téléphonique et j’ai attendu qu’ils partent pour m’enfuir en vélo. J’en ai reparlé à mes parents. Le guichetier a été alerté et il a fait ne nécessaire les jours qui ont suivis. Là, par contre, j’ai franchement eu peur.

Mon éducation:

Le jour où j’ai été capable de procréer, j’ai été mise sous clef. Mon éducation a été extrêmement stricte. J’ai su quelques années après que mes parents m’observaient à la piscine pour savoir si je ne frayais pas dans le grand bassin au lieu de nager.
Les hommes sont passés du stade de camarades d’école à «adolescents en rut sans limite». Peut-être que le vécu paternel est ressorti tout de go à cette période de ma vie.
Moi, bien entendu, j’ai pris du jour au lendemain le rôle de la petite fille innocente puis celui de la jeune délurée provocatrice et perverse. Parce qu’une fille qui a ses règles a bien sûr envie de sexe et ne pense qu’à ça à longueur de journée et pas à se gaver d’anti-inflammatoires. Je ne comprenais pas pourquoi ils réagissaient ainsi et les discussions que j’interceptais m’angoissaient terriblement. Je n’étais plus une enfant mais vraiment une source de tracas futurs.
Le dernier argument assez réac mais encore vrai: perdre sa virginité, c’est ne plus «être vendable» en mariage*. Nous n’y pensons pas, mais l’idée est encore bien ancrée dans les esprits. Malheureusement, il engendre beaucoup de désastres dans les familles.

La vision négative du sexe.

Combien de fois ai-je entendu «tu n’as pas fait de bêtise» lorsque je déplorais un retard de règle. Parce que dans ma famille, l’acte sexuel était «une bêtise». Une bêtise qui engendrait un bébé. Alors qu’il aurait été plus simple de parler contraception et préservatifs.
Nous aurions pu croire que mes parents se seraient arrêtés là, mais non, arrivée à l’âge canonique des premiers amours plus poussés, «la bêtise» est devenue «quelque chose de répétitif qui ne donne rien en soit et qui est chiant à mourir».
D’une part, j’ai trouvé ces réflexions extrêmement violentes parce qu’elles étaient dites par mes propres parents. J’aurai préféré ne pas avoir leur avis sur la question.
D’autre part, j’avais déjà le mien puisque je me découvrais tranquillement et je n’étais pas du tout d’accord avec eux.

Si mon éducation avait été différente est ce que j’aurai été plus libre avec mon corps, avec les autres en général ? Est ce que ma relation avec les femmes et les hommes que j’ai croisés aurait été plus claire et libérée ? Aurai-je moins peur de l’agression morale ou sexuelle ? Est ce que j’aurai profité plus tôt du plaisir lié au sexe ? Est-ce que j’aurai eu moins honte de jouir. 

Aujourd’hui, je pense que oui. Quand je regarde mes propres enfants évoluer, je les trouve sereins et nous essayons d’ouvrir le dialogue sur beaucoup de sujets sachant qu’ils sont encore très jeunes pour parler de sexe.
Peut-être que tout ne sera pas parfait dans l’éducation que nous leur donnons, mais parler de bêtise à une jeune fille n’est certainement pas la solution pour son épanouissement futur.
D’autre part, le point de vue sur la vie sexuelle des parents n’a pas à être connue par leur enfants.

1 commentaire sur “Peur irrationnelle.”

  1. Je suis assez d’accord avec vous sur la conclusion: les enfants ne veulent en général pas savoir ce que font leurs parents dans la chambre à coucher et encore moins se voir jugés par eux sur leurs propres pratiques. Le seul rôle des parents dans ce domaine me semble être celui de conscientiser leurs enfants sur la nécessité de prendre leurs précautions au moment de passer à l’acte (contraception, mais aussi préservatifs s’il s’agit d’un(e) inconnu(e), etc.) Rien de plus.

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