Cette année, je peux dire que que ma vie a volé en éclats petit à petit, jour après jour, et ce, avec une efficacité encore inégalée.
Bien entendu, je ne le souhaitais pas, on ne souhaite jamais toucher le fond. Cette année 2015-2016, je l’ai subie jour après jour en ne sachant pas ce que demain serait. En espérant que demain serait moins pire que la veille.
Des évènements l’auront marquée probablement de façon indélébile et il m’aura fallu quelques mois pour les comprendre, les accepter, les transformer en des leçons constructives pour l’avenir. Au moment où, je l’écris, je ne suis pas encore arrivée au bout du cheminement. La résilience est la clé. Je sais que j’en suis capable mais en ai-je envie?
Jusqu’à ces derniers jours, je n’en n’avais plus envie pourtant j’ai rebondi plusieurs fois dans l’année fièrement, en me disant que j’étais assez forte puis je me suis enfoncée encore plus loin.
L’accumulation d’évènements négatifs a été trop forte.
Passés les évènements parisiens qui nous ont cruellement tous marqués. J’ai surtout perdu pied suite à un fait professionnel, j’ai perdu foi en l’adulte, en mon métier. Je suis repartie quelques années en arrière. Le parallèle était tellement facile à faire que je ne me suis même pas forcée. Je me suis laissée envahir, à la manière d’un bateau qui sombre. Je me suis enfermée, face à des collègues agressifs, aux remarques acides face à mon propre travail. J’ai pris de la distance pour me préserver mais il était déjà trop tard, j’ai juste limité les dégâts.
Encore aujourd’hui, les professionnels que j’ai rencontrés sont surpris de ma manière d’aborder mon métier et ma relation aux autres. Ils minimisent les faits en appuyant sur la force des mots que j’emploie, ils évincent les vrais problèmes. Tels des menuisiers, ils sont capables de faire disparaître la moindre petite écharde à coup de ponçage. La clef est dans l’apparence lisse et soignée de l’oeuvre.
Ma vie de famille en a pâti bien sûr. Je crois que je l’ai fuie, je m’en suis doucement détachée en m’enfonçant dans la tâche à accomplir. Que pouvais-je leur apporter? A quoi leur ai-je servi cette année, moi, la maman fantomatique et inexistante. J’ai tout suivi de loin, et je me suis promis que ça ne se reproduirait pas. J’ai demandé une mutation géographique et l’éloignement de l’épicentre de toute cette souffrance. J’ai décidé de ne plus m’oublier, de ne plus les oublier. J’ai évoqué un changement radical professionnel et j’ai commencé les premières démarches administratives.
Quant à ma vie de femme, d’amante, elle s’est plus ou moins effondrée. Quand on perd pieds dans un domaine, je crois qu’il est difficile de garder la tête hors de l’eau dans un autre. Je suis devenue irritable, fatiguée, j’ai eu peur de perdre ceux que j’aime des milliers de fois. J’ai perdu confiance en moi.
Avec un peu de recul, je crois que j’ai été sauvée par l’image d’une amie qui s’effondrait elle aussi. J’ai refusé de lui ressembler alors, j’ai attrapé les quelques mains qui m’étaient tendues, j’ai alerté mes supérieurs -quitte à être démolie encore plus que je ne pouvais l’être- et j’ai enfin respiré un peu. Mon mari 1 m’a laissé voguer en gardant un oeil sur moi en m’alertant dès que je retombais un peu trop, il a bu mes maux et mes mots d’une dureté sans égale. Mon amant 2 m’a écoutée, comprise et soutenue quand j’avais besoin de parler. Je n’ai jamais été seule.
J’ai achevé mon année en finalisant mes projets avec succès et je suis rentrée chez moi la tête haute mais le coeur constellé de ces blessures. La semaine qui a suivie fut explosive d’un point de vue familiale 3. Après quelques jours de réflexion, j’en suis venue à dire à mon mari que nous avions passé des moments plus durs encore et qu’il n’y avait pas de raison d’échouer cette fois.
“Allez au bord de mer, la mer nettoie toutes les souffrances” m’a dit mon supérieur.
Aujourd’hui, j’écris pêle-mêle tout ceci, assise dans un grand fauteuil à bascule. D’ici, je vois la mer, je regarde mes enfants jouer, mon mari rire. Plus ou moins apaisée, et clairement prête à reprendre ma vie, mon travail en mains mais pas demain, laissez moi encore un peu de temps. Laissez moi: souffler, oublier, rêver, lire, rire, jouer, reprendre confiance.
Suite et fin de cette réflexion ici
- Il est patient, indulgent et il me connait probablement mieux que moi-même ↩
- Lui aussi est patient et indulgent, il est souvent source d’inspiration dans mes billets. ↩
- Mes fins d’années sont généralement explosives pour différentes raisons. Je ne sais pas si c’est propre à ma profession ou à mon caractère, mais pendant quelques jours, j’ai besoin de solitude, de silence et ce n’est pas évident quand on a une famille et un emploi du temps rempli. D’autre part, mon 1er jour de vacances a été croqué par un rdv dans mon milieu professionnel. J’avoue que je l’ai assez mal pris. ↩
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