Quand j’inspecte mes bras, et que je détaille mes fesses, les souvenirs de jeux remontent un à un. J’observe ces marbrures avec attention. Je me souviens précisément l’origine et le contexte de chaque marque, chaque bleu qui ornent mon corps.
Tenez, celui en haut à droit sur mon bras est apparu après une soirée cordes toute sage. Je n’ai rien senti sur le moment, je m’étais promise d’être sage et de ne pas corder ce soir là parce que les deux jours qui suivraient étaient importants. Je souhaitais me présenter intacte devant mes encordeurs. Le lendemain, j’ai constaté qu’être sage ne limitait visiblement pas les dégâts. C’est donc avec une moue agacée que j’observais cette preuve de ma désobéissance.
Si vous longez du regard ce même bras, vous apercevrez une légère marbrure oblique. Celle-ci date du lendemain. Plus discrète, plus légère à l’image des cordes et du tempérament de celui qui l’a inscrite là, quelques centimètres au dessus du coude. Son écho apparait plus distinctement plus haut sur mon bras gauche. Mais il reste toujours aussi léger comme l’empreinte d’un pied sur le sable. Je garderai par contre la pression de son doigt plus nettement sur l’avant bras. Les cordes à même la peau m’ont moins blessée que les précédentes. J’avoue, je les apprécie beaucoup ainsi.
Poursuivons le voyage. Je me tourne, dos au miroir et je vois se dessiner une jolie constellation sur mes fesses. Attachée au pied d’une table par cette corde qui me maintient par le cou, à quatre pattes, à genoux, telle une bête au sol, je ne pouvais rien faire, ni me sauver, ni me débattre. Juste pester et attendre la fessée punitive qui m’avait été promise. J’ai compté jusque quarante. Je pensais ne garder aucune marque, puis passée la trentième, j’ai compris que j’avais tord.
Achevons le voyage en remontant vers le bras gauche. Là, apparaissent trois petits bleus de la taille d’un doigt, souvenirs d’un au revoir dans un hall de gare. Prise par surprise, entre larmes de tristesse et de douleur, celles-ci, je sais que je vais les garder longtemps.
Mon corps est une constellation de marques de doigts, de cordes, de mains, de caresses, de morsures. Il est imprégné de vous, de vos désirs, de vos colères, de votre passion, de ma passion. Et c’est ainsi que je l’aime.